Au cours de la dernière décennie, de nombreuses études ont tenté de comprendre et d’expliquer les motivations derrière la commission de cybercrimes. Cependant, à ce jour, aucune étude n’a cherché à expliquer l’effet de la personnalité sur les différences individuelles dans les motivations à s’engager dans la cybercriminalité.
Les chercheurs Palmieri, Shortland et McGarry (2021) ont décidé de centrer leur étude sur les personnalités en s’appuyant sur la théorie de la sensibilité au renforcement (RST) de Gray (1982; 1987). Brièvement, cette théorie de la motivation postule que les individus répondent différemment à leur environnement selon les différentes sensibilités des systèmes cérébraux de base qui répondent tous à des stimuli soit gratifiants ou punitifs (Gray, 1973). Le cadre de Gray (1973) implique trois systèmes (système d’activation comportementale (BAS), système d’inhibition comportementale (BIS), système de combat ou fuite (FFS)) qui servent à expliquer les sensibilités différentielles influençant les comportements de récompense, de punition et de menace-réponse. Cette théorie étant utilisée dans plusieurs études criminologiques afin d’expliquer les comportements criminels hors ligne, les chercheurs ont alors opté pour cette théorie afin d’expliquer les comportements de cybercriminalité.
Un total de 577 participants ont rempli le questionnaire de personnalité RST (RST-PQ). Afin d’être participant à l’étude, ils devaient tous admettre avoir été impliqués dans un des comportements cybercriminels listés par Donner et al. (2014) soit: (1) publier des informations malveillante à l’encontre d’autrui sur Internet; (2) menacer/insulter autrui par courriel ou messagerie instantanée; (3) exclure quelqu’un d’une communauté en ligne; (4) pirater une zone non autorisée d’Internet; (5) distribuer des logiciels malveillants; (6) télécharger illégalement des fichiers/programmes protégés par un droit d’auteur; (7) utiliser les informations personnelles de quelqu’un d’autre sur Internet sans son autorisation; (8) téléverser illégalement des fichiers/programmes protégés par un droit d’auteur; (9) utiliser Internet pour faciliter une drogue transaction, et (10) publier des photos nues de quelqu’un d’autre sans sa permission (p. 167-168). Au Tableau 1, il est possible d’observer le pourcentage de l’échantillon de participants reparti selon les actes criminels commis par le passé.
Les résultats de l’étude ont confirmé l’hypothèse selon laquelle les traits liés à la RST étaient associés à la cybercriminalité. De plus, les quatre sous-facteurs BAS (Intérêt de la récompense, Persistance des objectifs, Réactivité de la récompense et Impulsivité) se sont avérés avoir des relations différentes avec la cybercriminalité. Les traits du BIS étaient également positivement associés à la cybercriminalité, probablement en raison de l’effet d’un plus grand anonymat en ligne sur le rôle du BIS en tant que médiateur des conflits.
En bref, cet article permet de mieux comprendre l’apport de la personnalité sur les motivations des criminels s’engageant dans des activités reliées à la cybercriminalité. Cette étude soutient l’application de RST à l’étude de la cybercriminalité. Cependant, les chercheurs mentionnent la nécessité et la pertinence de concentrer les recherches futures sur (1) la déségrégation entre les effets variables de l’activation du BAS sur l’engagement dans des types spécifiques de comportements cybercriminels et (2) l’exploration des effets uniques de l’anonymat en ligne sur les processus RST qui motivent des comportements déviants en ligne.
Pour citer l’article: Palmieri, M., Shortland, N., McGarry, P. (2021). Personality and online deviance: The role of reinforcement sensitivity theory in cybercrime. Computers in Human Behavior, 120. https://doi.org/10.1016/j.chb.2021.106745