La protection des informations personnelles est un sujet d’actualité de plus en plus discuté. De nombreux cas de vols ou d’utilisation malveillante des données personnelles ont fait les manchettes et la population devient plus craintive à cet égard. Mais qu’en est-il des cas où les individus offrent eux-mêmes ces informations de manière inconsciente sans se rendre compte des risques encourus? L’omniprésence de la technologie et ses multiples services dans nos vies quotidiennes peut amener les consommateurs à agir sans se poser davantage de questions sur l’utilisation de leurs données personnelles par des tiers.
Néanmoins, afin d’utiliser les services offerts, certaines entreprises vont demander en échange au consommateur de partager ses informations personnelles. Cet échange peut se faire de manière consciente par l’utilisateur, mais parfois cela n’est pas le cas. L’utilisateur, remplissant les informations requises afin d’avoir accès à son service, ne se rend alors pas compte de l’impact de ce partage d’informations.
L’acceptation technologique (AT), c’est-à-dire le fait d’adhérer à un produit ou non, a fait l’objet de nombreuses études par le passé. Ces études ont mené à la création de modèles d’acceptation technologique (MAT), définissant ce phénomène comme étant le jugement, l’attitude et les comportements générés chez l’humain par un produit. Ces modèles se concentrent sur la recherche d’explication de l’adhésion d’un consommateur à un produit, se basant sur les facteurs pragmatiques comme la perception d’utilité, la perception de facilité d’utilisation, sur l’influence sociale et selon les dernières études, sur la motivation hédonique, la valeur du produit et les habitudes (Venkatesh, Thong and Xu, 2012). D’un autre côté, l’expérience de l’utilisateur (EU) est aussi une composante importante dans l’analyse de l’AT. L’EU ajoute des notions davantage subjectives au principe d’acceptation, comme les émotions générées par le produit, la valeur subjective de celui-ci, et l’aspect temporel de l’EU.
Cette problématique a amené les chercheurs, Verana Distler, Carine Lallemand et Vincent Koenig, a analysé l’AT et l’EU dans l’objectif d’explorer et de construire des hypothèses au sujet des dimensions supplémentaires pouvant jouer un rôle dans l’acceptabilité des compromis de confidentialité.
Afin de trouver des dimensions qui ne sont pas déjà utilisées dans les MAT existants, les chercheurs ont utilisé une approche qualitative en formant 8 groupes de discussion (N = 32). Leur étude s’est concentrée sur les besoins psychologiques des participants et l’expérience d’émotion négative. Plus particulièrement, ces groupes de discussion étaient composés de 17 hommes et de 15 femmes provenant de milieux culturels et socioéconomiques différents. Les échanges concernaient des thèmes spécifiques, présentés sous forme de mises en situation, où les participants étaient amenés à s’exprimer sur leurs impressions face aux situations. Les différentes situations portaient sur la présence de caméras de surveillance au travail, le partage d’informations personnelles sur la santé, la présence de thermostats intelligents dans les maisons et l’adhésion à des médias sociaux gratuits.
Pour chacun des thèmes, participants ont énoncés les avantages et les désavantages. Les chercheurs ont réuni les conclusions et les idées principales qui ressortaient fréquemment lors des discussions. Particulièrement, ce qui semblait influencer les décisions des participants quant à l’adhésion à la nouvelle technologie dépendait de plusieurs facteurs à savoir : la perception d’utilité, l’impact des expériences passées, le contexte, la perception de contrôle, l’autonomie et le plaisir perçu. Globalement, les résultats de l’étude ont démontré que les facteurs de l’acceptance et les facteurs EU, tels que l’utilité du produit et la facilité d’utilisation perçue, ont influencé les opinions des participants.
Toutefois, un autre aspect important ressort des résultats. La notion du contexte est particulièrement importante dans le processus de décisions des participants. Les participants vont considérer leurs histoires passées, l’endroit, le temps et plusieurs autres facteurs subjectifs avant d’agir. Aussi, en ce qui concernait l’adhésion à un réseau social gratuit en échange d’y voir apparaitre des publicités visées, les participants exprimaient une forme de résignation, justifiant que les publicités sont tellement omniprésentes dans leurs vies qu’un ajout supplémentaire n’allait pas faire de différence. Ce principe de fatigue de la vie privée consiste à l’épuisement et même au cynisme des consommateurs relativement à la gestion de la protection de leur vie privée, et a été démontré comme ayant une forte influence sur les comportements des individus (H. Choi, Park and Jung, 2018). Bien que les auteurs affirment la nécessité de poursuivre les études sur le sujet, l’étude illustre que seuls les aspects pragmatiques ne suffisent pas lorsqu’on désire expliquer les compromis en matière de la protection de la vie privée. Les aspects de la perception de contrôle et d’autonomie sont des facteurs frappants en termes d’acceptation des technologies.
L’impact de cet article est important dans la construction de théories de l’acceptance technologique, ainsi qu’au développement d’initiatives de confidentialité centrées sur les utilisateurs.