L’un des défis, si ce n’est pas le défi le plus important, de la lutte contre la criminalité est que les crimes qui voyagent à travers le monde, comme les crimes informatiques tels que la fraude, voyagent également à travers les diverses juridictions. Les modèles d’application de la loi et de législation qui existent ne sont pas adapté à la réalité de la fraude sur l’internet. Plusieurs cas de victimes ont démontré qu’il n’est pas rare qu’un fraudeur victimise une proie située dans un autre pays, en lui demandant d’envoyer l’argent à un tiers pays. Ces fraudes coûtent très chers aux États. Par exemple, l’Australie rapporte avoir perdu 340$ millions à cause de ce type de crime en 2017 dont 64$ millions dans des cas de fraude par investissement et 42$ millions dans des cas de fraude romantique. Cependant, malgré les pertes importantes, les cas de fraude sont encore très peu pris en charge par les agences policières. L’Australie fait d’ailleurs partie des pays qui, pour l’instant, ne priorisent pas ce type de crime. En effet, dans ce pays, tout comme plusieurs autres, chaque état et territoire possède une agence policière agissant dans des limites géographiques. Chacune de ces agences est responsable des crimes commis sur son territoire et reçoit le pouvoir d’intervenir selon les législations de l’état ou du territoire en question. En date de l’article, aucune étude n’avait examiné comment les juridictions peuvent causer des expériences négatives pour les victimes de fraude en ligne ni comment les idées fausses entourant les juridictions sont la cause de résultats préjudiciables. De plus, les études réalisées sur la fraude se concentrent principalement sur l’intervention de la police et d’autres organismes d’application de la loi, sans jamais se concentrer sur les victimes de ce crime.
Cet article s’appuie sur des récits de victimes afin de comprendre leurs perceptions du fonctionnement des juridictions en matière de fraude en ligne, et ce, afin de déconstruire comment les fausses perceptions et idées attachées à ces juridictions semblent être perpétuées par les victimes, la police et d’autres agences de régulation de la loi.
Une étude qualitative a été menée sur les victimes de fraude en Australie (Cross et al., 2016). Les auteurs ont réalisé 80 entrevues semi-structurées avec des victimes de fraude en ligne qui ont toutes rapporté avoir perdu au moins 10 000$ (AUD). Dès l’analyse des verbatims de ces entrevues, un premier thème est ressorti des analyses. Nommé « merry-go-round » en anglais qui pourrait être traduit de manège ou de tourbillon dans le sens où les victimes se faisaient envoyer d’une agence policière à une autre sans cesse.
Après avoir codé et analysé les entrevues, la chercheure est arrivée aux conclusions que :
- La présente approche et utilisation des juridictions pour les cybercrimes est problématique et dysfonctionnelle en Australie (et globalement).
- Les juridictions ont un impact sur les divers groupes impliqués par celles-ci, autant la police, les tribunaux de justice, et particulièrement les victimes.
- Les propos partagés par les participants démontrent la nécessité d’un changement immédiat afin de résoudre les crimes de fraude en ligne.
- Malgré la création d’ACORN (le réseau australien de signalement de la cybercriminalité) apparaisse comme un Pas vers l’avant, il reste que leurs interventions sont pour l’instant insuffisantes.
- Il faut absolument éduquer le public et la police directement sur les responsabilités des services de police en Australie.
- L’AFP a un champ d’application de la loi trop restreint, ce qui a pour conséquence de les limiter dans leurs responsabilités. Cette étude met la lumière sur l’importance et la nécessité de se concentrer sur la fraude en ligne. Cet article a un apport empirique et social significatifs, étant l’une des rares premières à se concentrer sur les victimes. Bien que l’étude se concentre uniquement sur le cas de l’Australie, il est évident que tous les pays bénéficieraient à améliorer leur approche face aux juridictions afin d’avoir un impact réel et significatif sur la hausse de fraude en ligne.